Le grand départ tant attendu et tant espéré. Les blessures du mois d'août ne sont que de
mauvais souvenirs. 2 ans qu'on attend ça. 2 ans qu'on vit avec le souvenir de cet abandon. 2
ans que Christian et moi en parlons.
On y retourne, mieux armés, l'expérience en plus avec l'espoir que l'issue ne sera pas la
même. Des certitudes, de la sérénité mais aussi des doutes, c'est humain et normal. On ne
peut pas se présenter au départ d'une telle épreuve en étant sûr que tout va bien se passer.
En tout cas, comme on veut mettre un maximum de chances de notre coté, cette fois-ci, nous
nous accordons quelques jours sur place avant la course, manière de ne pas attaquer fatigués.
L'avion est visiblement bien garni en grands raiders.
Atterrissage à St Denis à 9h. L'ami Gino nous accueille, le sourire jusqu'aux oreilles.
Un pot d'accueil est prévu à l'attention des raiders. Sympa comme initiative. Punch, jus de
fruits, samoussas et cadeau de bienvenue. Ça commence bien. Récupération de la voiture, un
scénic un peu juste en chevaux, le souvenir du picasso de course refait surface....Enfin,
c'est pas grave, il a l'avantage d'être spacieux.
Direction le QG d'Etang Salé Les Hauts, la sympathique maison de Sabine et Fred pour prendre
nos quartiers.
On attaque direct par un plat de pâtes (le 1er d'une longue série) et une sieste.
Direction Cilaos par la fameuse route aux 400 virages (burps) et son tunnel qui marque
l'entrée dans le cirque. J'aimerais bien y voir passer un bus.....
Notre scenic de course souffre et s'essouffle vite dans les lacets (surtout à la
corde....).
On a envie de se faire le Taïbit en reco tranquille. Les filles hésitent à nous suivre et
finalement préfèreront se balader et prendre le soleil dans Cilaos en nous attendant.
En fait, ce Taïbit, depuis la route d'Ilet à Cordes n'est pas très dur. On en avait gardé un
mauvais souvenir de 2006, quand on l'avait fait de nuit avec 70 kms dans les jambes. De jour,
la montée est super belle, il fait beau et chaud, vue sur Cilaos, les 3 salazes, le bras
rouge que nous traverserons lors du GR.
Comme dit Christian : « un mythe est tombé... ». En effet, 1h30 de montée à allure touriste,
pas de difficulté particulière en fait, hormis quelques marches. On croit même reconnaître un
ou deux endroits où on agonisait 2 ans plus tôt. Une petite pause au col pour admirer le
cirque de Mafate, ses ilets et Marla en particulier juste en dessous. Quelques photos plus
tard, on redescend en 1h25.
De petites douleurs au tendon d'Achille gauche m'inquiètent à peine puisque je les traîne
depuis ma blessure au tendon droit de début août (compensation inconsciente ?). Je le sens
surtout à la montée et une petite douleur au genou gauche pour la descente. Allez, fini de
psychoter, ça va passer.... Il est l'heure d'aller goûter la fameuse lentille de Cilaos. Par
contre, parait qu'il est dangereux de toucher au vin du coin (interdit à la vente, c'est tout
dire...).
Aujourd'hui, farniente donc repos au bord de l'eau qui nous tend les bras mais on a décidé
d'éviter les bains qui ramollissent la peau des pieds.
Les filles ne se privent pas. Idem pour l'apéro. Nous, ça sera pour plus tard. On se consacre
à la sieste qui, elle, est conseillée.
On apprend que le GR aura finalement lieu !!!! On avait essayé de penser à tout mais là,
j'avoue qu'on aurait été un peu dégoutés... On se prépare quand même à affronter l'humidité
que devrait laisser traîner la dépression Asma en particulier au départ et au volcan. Ralant
quand on voit le beau temps qu'on a depuis notre arrivée.
Jour du retrait des dossards. On laisse les filles à la plage avant de faire un détour par
Dos d'Ane pour rejoindre le stade de la Redoute à St Denis.
Dos d'Ane qu'on doit traverser de l'église au stade lors du Grand Raid. On voit tout de suite
que l'ascension depuis la rivière des galets ne s'arrête pas ici. Parait que quand on est à
Dos D'Ane, c'est gagné...En effet d'après le profil de la course, on pourrait presque le
croire.
On pousse jusqu'au kiosque du cap Noir (« Oui en savates, ça va »), pour une vue imprenable
sur Mafate : magnifique....Roche Ecrite, Gros Morne, Grand Bénare, les 3 Salazes, Taïbit,
Piton Cabri, beau panoramique.
On aperçoit 800m plus bas le ravito de Deux Bras dans le lit de la rivière des galets, lieu
de notre abandon il y a 2 ans....même pas peur ! Enfin si, un peu...
Discussion avec 2 sympathiques employés de l'ONF, qui nous encouragent et prennent nos n° de
dossard et qui nous montrent la crête qu'on empruntera samedi. Mais visiblement, faut se la
gagner depuis Dos D'Ane (400m de D+ à la louche après 130 kms). Bon c'est l'heure d'aller au
stade récupérer le sésame...30mn de retard pour l'orga, pas cool, on attend en plein soleil.
Au briefing, le
parcours définitif reste suspendu aux caprices de la météo et n'est donc pas encore arrêté.
De par la lecture quotidienne des journaux qui consacrent une large place au Grand Raid et
par la présence de quelques caméras au stade, on devine bien l'importance de la course sur
l'île. Comme nous sommes arrivés tôt, nous serons servis assez vite surtout qu'après faut
passer par les stands des sponsors qui nous chargent généreusement pour certains (Lafuma
lâche royalement un autocollant, c'est la crise je vous dis). Bref, c'est tout le matos en
poche, plus une affiche et une serviette achetées au stand officiel, qu'on rentre pour le
bouchon du siècle !!!!! Pascale et Sabine nous attendront jusqu'à 20h, on s'inquiète de peur
que la paillotte les mette à la rue: il fait nuit depuis déjà 2 bonnes heures.
Notre inquiétude s'estompe assez vite quand on arrive: ces dames sont à l'apéro....on peut
pas leur en vouloir ! On apprendra que le bouchon est dû à un accident et à un passage
de....baleines (année exceptionnelle parait-il). La circulation est la plaie de l'île...
Jour J. Coup d'oeil inquiet aux prévisions météo. Peine perdue, incertitude max, Météo
France en grève. Faudra faire avec de toutes façons, mais c'est très ennuyeux de patienter 1
ou 2h sous la pluie. La matinée est consacrée aux préparatifs : sacs assistance, sac de
course. On essaye de penser à tout.
Puis viendra le concours de gâteau sport...sur lequel je ne m'étendrais pas, par pudeur...2
écoles s'affrontent, cuisine au feeling contre cuisine scientifique. En tout cas, on s'est
bien marrés.
Un peu de lecture, une heure de sieste (j'aurais préféré 2), enfilage de la tenue, pâtes,
gâteau, café, départ vers Cap Méchant, un oeil rivé vers le ciel et les étoiles. Oui oui des
étoiles !!!
On est sur place assez tôt, on prend la température, on tourne un peu, les filles nous
accompagnent jusqu'à l'entrée du stade puis on les abandonne pour entrer dans l'arène. Ça y
est, on y est ! Dépose des sacs d'assistance, passage au contrôle du matos obligatoire.
C'est quoi ce bordel ? y a que des mecs affutés comme des lames. On va finir derniers ou quoi
? Allez un petit café pour faire passer le gâteau sport.
De toutes façons, on est pas là pour le chrono mais pour voir la ligne d'arrivée. Ensemble,
ça serait l'idéal.
La pluie annoncée n'est pas au rendez-vous et on s'en plaint pas. On s'avance un peu vers la
ligne de départ, manière à pouvoir sortir du stade assez vite puis on s'assoit sous un
magnifique ciel étoilé mais à même la caillasse acérée...on a déjà vu plus confortable !.
Quelques animations sur scène, appel d'un mec qui a perdu son sac (sans dec...faudra
m'expliquer), des anniversaires, appel des stars locales et favoris. La pression
monte....
Robert Chicaud, le directeur de course entame le compte à rebours, nous nous tapons dans la
main c'est parti : les fauves sont lâchés, 2400 fous s'élancent, tous ont un objectif
personnel, aucun n'est sûr de voir l'arrivée !
Saint Philippe, Stade de Cap Méchant (km 0, D+ 0m). Ça bouscule à
peine. On est pas trop mal placés, tellement bien que les filles ratent la photo.... La
tactique est de courir un max ou d'arriver assez vite au début du sentier du volcan (km 15).
Un rasta nous fait l'extérieur, un spectateur lui crie « vas-y mon frère, fous le feu ! »,
ils sont bons ces rastas !
C'est donc en courant qu'on remonte pas mal de monde sur la route et la 1ère sensation est
qu'il fait vraiment chaud et humide (24 ou 25°c je dirais): je transpire déjà beaucoup.
Contrairement à 2006, on marche très peu sur la piste forestière, petit rythme certes (700m
de D+ sur 13kms) mais quasiment pas de marche. Au bout d'une heure, l'ami Gino nous rattrape,
alors qu'on le pensait déjà devant avec son objectif de 30-36h. On avait prévu d'attaquer le
sentier du volcan au bout de 2h15, on y est au bout de 1h58, dont 6mn d'arrêt au ravito
Mare Longue (km 16, D+ 792m), juste avant le sentier.
Pourtant cette partie me parait bien plus longue qu'en 2006. On n'a pas fini de comparer les
sensations.... Il fait très chaud avant d'attaquer le gros morceau : la montée du volcan. «
Ilé duwe le volcan ». C'est vrai, c'est dur et surtout c'est long. Des racines, des marches
dans la dense végétation bien humide. On s'arrête quasiment pas, à la sortie de la forêt, un
petit air frais bienvenu nous accompagne, on voit la guirlande de raiders qui se suivent
devant et derrière, le ciel étoilé est beau ...La difficile montée offre son classique
spectacle de raiders partis trop vite, de malades, de déjà blessés... Pas nous, pas
nous: pourvu que ça dure !
Personnellement, cette montée me gave un peu et j'ai (déjà !) sommeil....On arrive sur la
crête au petit jour. Le lever du jour sur le volcan, malgré quelques nuages est superbe !
C'est aussi pour ça qu'on est là. On aperçoit un ilot de lumière au loin : le ravito de
Foc Foc (km 24, D+ 2494m). Signe que la 1ère difficulté est enfin
dernière nous. Jusqu'à maintenant, les sensations sont bonnes, même si les petites douleurs
m'accompagnent mais ne me gênent pas. Le jour et le soleil me redonnent la pêche. Christian a
pris un coup de froid mais a su s'arrêter à temps pour se couvrir.
Direction le 1er pointage
électronique de la route du volcan (km 31, D+ 2590m), en alternant
marche et course. Pour faire un 1er coucou virtuel à ceux qui nous suivent derrière leur
écran. Top chrono 6h18, on avait prévu 6h35. En 2006, on avait mis 8h13. 2h de gagnées,
tactique du départ payante. C'est bon pour le moral. Par contre, c'est sûr que c'est plus
éprouvant. 1ère bonne pause: Soupe, sandwich, un peu de NOK pour
les pieds en compagnie d'un vieux briscard qui nous donne quelques conseils. « Cette année,
ça sewa très duwe, Kerveguen, Mafate ».
On repart pour une partie super agréable qui me fait revenir 2 ans en arrière, un vrai
flashback, la pleine des sables au petit trot et l'ascension du rempart des basaltes jusqu'à
l'oratoire Ste Thérèse. « Y a plus qu'à » se laisser glisser jusqu'à Mare à Boue via le
Piton Textor (km 40, D+ 2985m). Profil descendant assez roulant, où
je me fais une belle frayeur en me tordant la cheville. La brume et la « farine » (bruine)
font leur apparition et ça devient moins agréable du coup.
On arrive à la N3, seul lieu de rendez-vous avec les filles. On a prévu qu'elles nous portent
un sandwich jambon de pays + fromage (repas chaud non prévu cette année à Mare à Boue,
d'après le roadbook) et de l'Overstim pour recharger les
Camelbak. On les attend 20mn (putain de circulation) au cours
desquelles on regardera un paquet de raiders nous doubler. Le pointage-ravito est à peine
plus loin ce qui explique notre dégringolade au classement. On en profite pour leur laisser
les affaires mouillées. Bisous et rdv à Saint-Denis.
On rejoint le ravitaillement de Mare à Boue (km 50, D+ 3072m) par
une petite route où il y a beaucoup moins de monde qu'il y a 2 ans à cause de la météo
humide, sans doute. Mais c'est un lieu de rencontre coureurs / familles, on est donc
copieusement encouragés. Surprise au ravito puisque le repas chaud est bien là (ça me gave
ces erreurs de roadbook comme ça)! Pointage, soupe et on repart aussitôt, les places perdues
sont reprises (anecdotique en fait). De toutes façons, le pique-nique champêtre au soleil,
comme en 2006, n'aurait pas pu se faire, la faute à la « farine ».
Place à un gros morceau: Kerveguen, ses sentiers humides, peu roulants, ses racines, ses
rondins et la montée au refuge du Piton des neiges. Un mec et sa femme sont au milieu du
chemin à taper sur une grosse poubelle, encourageant tous les coureurs sur l'air de « il est
vraiment phénoménal...». On les entend de loin, sympa même s'ils ont l'air un peu
farfelus.... Assez vite, je commence à sentir la fatigue me gagner. Une sensation du style, «
je suis vidé » ! Est ce que je paye le départ un peu rapide ? On fait une petite pause de 5mn
qui nous permet de consulter les textos de Cyril, mon frère, un « ultra » de notre club de
supporters, qui nous informe sur les faits de course et notre position.
Il est loin ce refuge, d'autant que la vitesse de progression est vraiment basse : passage
d'échelles assez délicat, ça monte, et le terrain est, comme toujours, difficile. Un petit
gel me fait du bien. On récupère quelques coureurs qui nous ont déposés plus tôt, et qui
éprouvent aussi le besoin de souffler. Je discute avec un gars qui m'avoue qu'il va arrêter à
Cilaos, il n'en peut plus. Je lui dis de bien réfléchir, de se reposer avant de rendre le
dossard, sous peine de gros regrets.
Plein d'eau et soupe au
gîte de la caverne Dufour (km 62, D+ 4211m), sous le piton des
neiges, caché dans la brume. Qu'elle était longue cette partie....Notamment, la fin, partie
inédite pour nous. A voir les visages marqués, tout le monde semble de cet avis. Le ravito
est peu confortable, peu de place. Maintenant place à la descente sur Cilaos (dite « du bloc
») qui d'après mes souvenirs sur Carto Explorer, est très raide
et zigzague beaucoup. Je me souviens bien malheureusement.
Christian me dit « technique au début, plus roulante à la fin ». Après coup, je dirais «
Pourrie du début à la fin ». Raide, des épingles tous les 5 m, des rondins et de la pavasse
partout. Que du bonheur ! pas de répit donc. Les locaux s'en donnent à coeur joie. Par
contre, ne prenant aucun risque (on marche) on s'est fait enrhumer par au moins 50 coureurs
et on a dû doubler 3 mecs dont 2 éclopés ! 1h40 de calvaire (« partie technique » du début)
avant d'arriver au ravito du bloc (km 67 D+ 4211m) et de la partie
bitumée (partie « roulante » de la fin) qui nous mène à Cilaos.
On pourrait courir mais la descente nous a brisés. On adopte une marche rapide. On décide de
s'octroyer une bonne pause à Cilaos, en plus il pleut.
A notre arrivée au stade de Cilaos (km 70, D+ 4230m) après 16h de
course, on aperçoit Laurent Jalabert du coté des kinés et podologues. A-t-il abandonné ? Une
autre surprise nous attend: les sacs d'assistance sont entassés sous la pluie. Un manque de
respect manifeste, lamentable...
Une vingtaine de tentes de l'armée sont à disposition pour se reposer, en réquisitionner 2 de
plus pour les sacs aurait été judicieux il me semble, d'autant que la météo est incertaine
depuis le début de la semaine. Heureusement pour nous, on avait prévu le coup en triplant les
poches poubelle dans les sacs mais ils vont être heureux, ceux qui vont récupérer des sapes
mouillées avant la nuit... Direction les vestiaires...de l'eau partout, des mecs entassés,
des bancs misérables dans un couloir quasiment inondé sans parler de l'odeur de chacal qui
prend la tête...A la rigueur je préfère me changer sous la pluie. On décide de tenter les
gradins du stade occupés par les familles.
Finalement, on le fera royalement au sec bien installés dans une tente accueillante et quasi
déserte. Change complet, chaussures compris (les Montrail
remplacent les Mizuno), réparation pieds, repas chaud complet
(plutôt 2 fois qu'une d'ailleurs, je me souviens de mon début d'hypo de 2006) et on tente 1h
de sommeil sous la même tente, des coqs en pâte : lit + couverture. Christian apparemment
s'assoupit un peu, pas moi. J'ai la haine, je me dis que je dois dormir à tout prix, pourtant
je suis crevé mais rien à faire. Je le réveille au bout d'1h.... « On y va ? » Je positive en
me disant qu'une heure allongé, n'a pas pu me faire de mal.
Il bruine toujours. On repart après 2h30 de pause. Hallucinant, pas vu le temps passer ! La
suite des réjouissances n'est pas très gaie et la nuit est tombée. Direction la cascade de
Bras Rouge sous Cilaos, manière d'attaquer le Taïbit de plus bas. Cette partie est vraiment
dure, chiante, humide, il fait chaud ! Par endroit on devine le « gaz », très proche.... Très
vite, un arrêt me fait enlever mon équipement nuit/froid, je me remets en t-shirt et j'ai
encore chaud, même la frontale me tient chaud. Malgré la pause de Cilaos, j'ai pas vraiment
récupéré, Christian mène la danse, il est bien mieux que moi, il me traîne. La nuit va être
longue. Même si le rythme est pépère, on rattrape du monde. Toujours ça de pris pour le
moral. Je fais des micro pauses de 10 secondes de temps en temps.
On arrive enfin au départ du sentier du Taïbit sur la route d'ilet à
Cordes (km 77, D+ 4613m). Notre chemin de croix avait commencé là en 2006. C'est
pourquoi on a jugé bon de revenir reconnaitre lundi, on sait maintenant ce qui nous attend.
Ça rassure un peu. Soupe, café, plein d'eau, un gel et on repart. Tranquillement. On arrive à
l'ilet des 3 salazes, petite cabane au bord du chemin, un petit feu accueillant, tisane «
ascenseur » offerte. Pas de tisane pour nous, on voudrait éviter la tisane « qui redescend ».
Par contre on s'assoit 10 mn au coin du feu, discuter avec nos hôtes, vraiment sympas. Ils
ont dressé 1 ou 2 tentes pour permettre à quelques raiders en déroute de récupérer. Super
idée. Gino avait récupéré ici en 2006. C'est dur de repartir, un dernier merci et on y
va.
On reconnait quelques endroits repérés lundi, des frontales scintillent plus haut, bien plus
haut. J'en bave grave et on n'y est pas encore mais je ne m'inquiète pas. Je m'y étais
préparé. Faut laisser passer l'orage. Je fais un petit film avec l'apn, je pense aux
entrainements, au cassoulet de ma mère qui m'attend au retour. Il sera meilleur la médaille
autour du cou. On arrive enfin, sans encombre au col en 2h (depuis la route).
On entre dans Mafate, J'espère pouvoir fermer un oeil à Marla. Le chrono n'est pas super, on
s'en fout. La descente sur Marla est donnée en 45mn, je pense que c'est le temps qu'on
mettra. Ça faisait un moment qu'on entendait gueuler. Je pensais à des mecs heureux d'en
terminer avec la montée. Des rastas mettent l'ambiance au col: « la rosse el roul » (NDT: «
attention ne pas marcher sur la pierre, elle n'est pas stable »).
On assure en descendant sur Marla (km 83, D+ 5563m). Putains de
souvenirs...au fond du gouffre il y a 2 ans. Ici c'est le point de non-retour, je
m'apercevrais plus tard, que beaucoup l'ont découvert ici, comme nous en 2006, on n'abandonne
pas dans Mafate : pas de route, sauf gros pépin, on en sort par ses propres moyens sinon
c'est l'hélico.
Il ne pleut plus. Je découvre un texto de ma « petite » Mathilde. Ça vaut tous les massages.
Beaucoup de monde enroulé dans les couvertures de survie. On se couvre, on sort les nôtres,
toutes neuves (rien ne vaut l'expérience..:-) ), on s'installe par terre à même le sol
humide. Me voyant m'enrouler tant bien que mal dans la couverture, un bénévole me propose de
me border. On arrive un peu à dormir, une vingtaine de minutes je dirais.
Ce coup-ci, c'est Christian qui sonne le réveil. Ça condense dans la papillote et le froid
empêche de donner suite. On plie « les draps » (le même bénévole m'aide, j'ai jamais su le
faire ;-) ), une soupe en grelottant et on repart. Il doit être 1h du mat. On est samedi. On
se réchauffe 2 ou 3mn au coin d'un feu à la sortie de Marla, puis direction Trois Roches. Ce
petit somme fait remonter le moral. Se sentir bien mieux qu'il y a 2 ans également. Route
pépère dans la nuit noire mais on s'arrête débâcher, chaleur oblige.
Trois Roches (km 90, D+ 5765m) est « vite » atteint, musique des
années 60's (« Only youuuuu ») et 80's (me souviens plus) au taquet. On s'éternise pas. Faut
traverser une rivière, en 2006 une corde servait de main courante. Je ne la vois pas. J'ai
pas envie de foutre les pieds dans l'eau : ampoules assurées ! En plus, à la lueur de la
frontale, on ne distingue pas si les cailloux sont totalement immergés ou dépassent...Le
temps d'un arrêt technique de Christian, je me lance, le pas hésitant, c'est chaud mais ça
passe. Je m'assois même en face pour regarder l'équilibriste qui s'en sort pas trop mal
également. Je verrais plus tard sur des photos des mecs qui traversent en tenant une corde
!!!! Mystère. Peut-être que ce que j'ai pris pour de la rubalise était une corde...
La partie qui suit est longue et pénible, déjà il y a 2 ans j'avais passé mon temps à
regarder la montre. Pas mieux cette année même si je sens que je reprends du poil de la bête
en sentant le jour arriver. On décide d'essayer de dormir à nouveau un peu à Roche Plate, il
devrait faire jour et un peu plus chaud.
Roche Plate
(km95, D+ 6147m), 5h30 du mat. Un carton nous tend les bras (qui a dit clochard ?). On
s'enroule dans les couvertures de survie jusqu'aux oreilles,vissage des boules quies,
Buff sur les yeux. Le sommeil vient assez vite malgré un gentil
bénévole qui accueille les raiders en hurlant un sympathique « Bienvenue à Roche Plate ».
Merci les bouboules. En tout cas, une bonne demie-heure de sommeil bien profond pour tous les 2 je
dirais. Du genre qui requinque.
Révision complète des pieds, soupe, orange, chocolat et on repart pour une autre partie
inédite qu'on redoute un peu. Et pour cause, au bout de 100 kms, un mur de 500m de D+ sur
même pas 2kms... On avait même vu une photo assez impressionnante de l'endroit. Surtout
qu'avant le mur, il y a 2 ou 3 coups de cul bien raides qui font croire qu'on y est, et les 2
ou 3 descentes qui vont avec...du Mafate pur jus. Bref, arrivé en face du mur, je reconnais
la photo, y a plus qu'à descendre dans le lit de la rivière (rafraichissant) avant
d'enquiller l'escalade.
Bonne surprise, on monte bien, sans arrêt, quelques marches ont été bétonnées, heureusement
d'ailleurs. Parait qu'il y avait un panneau accueillant « Danger de mort », pas vu....On en
vient à bout en 45 mn (Gino met 53 mn de nuit). Pause crème solaire en haut, le soleil de
Mafate cogne dur maintenant (9h du mat, il doit faire 30°c). Un mec arrive, en collant long
avec une veste épaisse. Comment fait-il ? Il doit se vider à grosses gouttes...
20 mn de descente « gentille » plus tard, on est à Grand Place les Bas (km
103, D+ 7017m), les chiffres commencent à causer. Un gendarme du PGHM, nous briefe sur
ce qu'il reste : cette partie est très pénible, ça monte, ça descend, ça monte, ça descend et
il fait hyper chaud ! Rien qu'on ne sache déjà... 10 bornes comme ça jusqu'à Aurère (on
estime à 3h !), même si on n'en voit pas la fin, on discute souvenirs, ça passe quand même
mieux qu'en 2006. On alterne ombre et soleil. En plein soleil c'est le four. On double un
local avec un bon gros collant en laine ! Une grosse envie de dormir me gagne...je lutte tant
bien que mal, j'ai envie de jeter le sac et m'allonger sur le bord du chemin. Finalement ça
passe... En fait, je m'aperçois que c'est pas aux jambes que j'ai mal mais au dos...la faute
à un sac trop lourd, à un plein d'eau fait quasiment à chaque ravito, la peur de
manquer...Une réflexion à mener pour les futures courses....
Une belle photo sur la passerelle avant la dernière montée assez rude
sur Aurère (15mn). Gino qui connait le parcours par coeur nous dira que lui aussi se croyait
arrivé à chaque virage. Aurère (km 113, D+ 7630m), 15 minutes
d'arrêt, je me refais un pansement au pied, une seule ampoule qui me fait assez mal, et avec
la descente qui suit (7kms) je veux assurer. En 2006, j'en avais bavé dans cette descente
interminable, à chaque pas, j'avais l'impression qu'on m'arrachait le petit orteil. Un mec
nous dit qu'en marchant, il faut 2h pour atteindre le poste de Deux Bras. On mettra 1h40 en
marchant cool. On se fera d'ailleurs doubler par un local, qui ne fait pas la course. Un
petit trapu avec un gros sac à dos, en tongs !!! Il court et bondit, de cailloux en
cailloux...on hallucine. Un raider qui vient de nous doubler en courant, s'arrête,
dégouté.
Le temps se couvre et revoilà la farine. 1 bon km à traverser et retraverser la rivière des
galets et nous voilà à Deux Bras (km 121, D+ 7630m), lieu de notre
abandon de 2006. Rien à voir cette année, on est bien, pas de douleur, le moral est bon.
Accueillis par une pancarte « le plus dur est fait ». Là aussi les sacs d'assistance sont en
plein air...Pas d'attente chez les kinés, on prend le luxe de se faire masser un petit 1/4
d'heure. Agréable même si j'aurais préféré plus de vigueur. En tout cas, ça relaxe, j'ai
presque failli m'endormir. Repas : boucané, poulet, pâtes, lentilles. Pieds neufs, on peut
repartir à l'assaut de la « dernière difficulté »: 1400m de D+ en 2 fois. « A Dos d'Ane,
c'est gagné... »
On a envie de parler de l'arrivée mais on préfère s'abstenir pour pas se porter la poisse. On
sent plus que jamais qu'on y est, qu'on va le faire. On en a sous le pied. On ne doute pas.
Mais....faut pas s'enflammer ! La banderole à la sortie de Deux Bras annonçait « Bienvenue
chez les fous 26,6 kms ».
On monte à un bon train, avec un mec qui a habité Toulouse, qui nous dit qu'il faut 5h pour
arriver à notre rythme depuis Dos D'Ane. Donc pas encore arrivés. Cette montée redoutée passe
sans trop de souci, faut bien négocier mains courantes et échelle métallique. On est d'accord
tous les 2, « Vaut mieux passer de jour ». Quelques parties moins raides que d'autres pour
récupérer.
Et toujours ce côté qui m'agace, des gens croisés, randonneurs, amis de raiders, spectateurs
croyant bien faire (ça part d'un bon sentiment, je suis d'accord) : ils annoncent le temps ou
la distance restant jusqu'en haut avec chacun son petit repère. Certains parlent en D+. « Il
reste 500m », j'ai déclenché l'alti de la Suunto en bas, on me la fait pas. « Plus que 50m »,
et comme souvent « Bon courage... » ce qui veut dire « t'as pas fini d'en chier... ». « Allez
dans 15 mn » et Christian se fait souvent confirmer par le mec croisé 10mn après « on y est
là non ?! » , « dans 15mn tu vois les bambous, et après tu y es.... »
Notre compagnon de route monte bien mais nous explique qu'il ne peut plus descendre à cause
d'un problème aux 2 chevilles. Arrivé à Dos D'Ane, il estime à 15h son temps de descente dans
son état (glurps...courage mon gars). Peut-être a-t-il renoncé ? Sa compagne l'attendait
là... Direction le stade de Dos d'Ane (km128, D+ 8529m), où on fera
un dernier arrêt NOK. Sitôt le pointage effectué, les textos
pleuvent. Celui de Pauline, ma fille, ma grande, me fait chaud au coeur. Cyril nous informe
sur notre position (820e). Le suivi est bien en temps réel ! Il parait même que le Stade
Toulousain mène à Paris...
A nous le Piton Bâtard. D'entrée on double un mec avec
une « jambe en bois » qui ne le porte plus. Il a du mal à monter les 1ères marches. Quand on
verra la suite, on pensera bien fort à lui. Y a des mecs qui vont vraiment au bout du
bout....Je me sens bien. Je passe devant. On se croit au plus haut lorsqu'on a atteint la
crête au dessus de Dos D'Ane. C'est très couvert, dommage on devine plus qu'on ne voit. A
gauche Dos d'Ane (400m + bas) et à droite le cirque de Mafate. Par endroit, la crête fait
1.50m de large avec gaz à droite et gauche.
Et ce Piton Bâtard qui n'arrive jamais et qui commence à bien porter son nom...on alterne
montées raides avec marches et petites descentes casse gueule. La nuit est tombée, la boue
commence à faire son apparition. La brume s'épaissit. Au bout d'un moment, en demandant à des
locaux, on apprend qu'on a dépassé Piton Bâtard, bonne nouvelle. Par contre la suite....Là
commence la galère. Le chemin est détrempé, la boue gagne du terrain. Chaque petite descente
se fait au ralenti ce qui n'empêche pas les glissades. Ça dure quasiment 4 kms. On perd un
temps fou sur cette partie. On marche sur des oeufs. Pas le moment de se faire mal. Un mec
est allongé sous sa couverture de survie. On croise plus loin les « secours » (il est pas
sauvé le pauvre...) qui viennent à sa rencontre.
La brume très épaisse nous accompagne maintenant, la totale donc ! On arrive tant bien que
mal au kiosque d'Affouches (km 135, D+ 9120m). Kiosque d'Affouches
(hein Christian ?) où on se croit sortis d'affaire. De la bouillasse même sous la tente du
ravito, c'est la guerre de tranchées. On nous informe que maintenant c'est 3 kms de route
forestière, ouf, terminé la merdasse. En partant, un gentil bénévole nous dit « dans le
sentier des goyaviers, marssez bien au milieu dans boue, sur le coté ça glisse et y a des
crevasses... ». Voilà l'ambiance. Le problème est que maintenant on n'y voit plus RIEN !!!!
Le brouillard est super épais. On part à plusieurs et on se retrouve vite seuls. Pas
cool.
Sur la piste, Christian marche à gauche et moi à droite à la recherche du balisage Grand
Raid. L'angoisse de se perdre maintenant... A chaque balise découverte (tous les 300 ou
400m), on est rassurés. On devine que la piste tourne de temps en temps. Les premiers
courants d'air nous obligent à remettre les vestes.
La peur de rater un chemin s'empare de nous. Au bout d'un moment, on arrête (de justesse) une
voiture qui monte. Le mec nous informe que plus bas, un bénévole attend pour aiguiller. Ouf,
nous voilà rassurés. Putain, ils pouvaient pas le dire au ravito, ça ? Tout le monde n'est
pas d'ici ! On hausse le rythme sur la piste jusqu'à apercevoir la lumière de l'entrée du
fameux sentier des goyaviers. On a limité la casse, dommage d'avoir croisé la voiture si
tard. Un autre gentil bénévole nous prévient : « dans le sentier (des goyaviers), marssez
bien sur le coté ... ». Nous voilà bien avancés... 2 autres raiders sont là, un local Freddy
et un suisse, Olivier.
Freddy propose d'ouvrir la route, il connaît. Ça nous arrange. Et c'est reparti, pour un
festival de boue hypercollante au début mais pas trop glissante, puis très très glissante
ensuite. Chacun y va de sa figure artistique. C'est usant. On a dû tomber 5 ou 6 fois chacun.
Aucun bobo heureusement. Le sentier est étroit. On s'accroche tant bien que mal à la
végétation. On ne peut pas faire autrement...On essaye de viser un arbre qui nous arrêtera. La
plaisanterie dure au bas mot 5 bornes...une éternité ! On discute de la possibilité d'arriver
sous les 48h, Freddy pense un coup que c'est faisable, puis plus tard y croit moins... On
dépasse un mec allongé sur le dos, mal en point, les jambes en l'air qui nous explique,
peinard, qu'il fait un malaise vagual. « Vous inquiétez pas, j'ai l'habitude, ça va passer ».
Ah bon...
On arrive à Colorado (km 143, D+ 9184m) soulagés et
entiers....J'hésite à me péter une ampoule qui me gêne. Je ne le fais pas. Je finis comme ça.
On se lave les mains (« on dirait des pieds »), on boit un coup, 2 ou 3 tartines et à nous la
breloque !!!!! C'est dans la poche, il reste 5 kms. D'un coup de portable, Christian informe
les filles de notre arrivée imminente. Mais voilà...on va mettre quasiment 1h30 à rallier
l'arrivée.
La descente est dangereuse, hyper cassante et c'est la nuit, la prudence est donc de rigueur.
En bas, on aperçoit bien-sûr les lumières de Saint-Denis, le stade qui nous attend....c'est
bon ça comme sensation. Pas question de se laisser aller à la contemplation, il s'agit
surtout de regarder où on pose les pieds. L'ampoule me fait souffrir, j'ai mal, les pieds
commencent à fumer, je m'en fous, c'est bon....On avait prévu de marcher pour savourer le
dernier km, on marche mais on peut pas dire qu'on savoure. On se fait doubler par des
malades, les 48h sont à notre portée mais eux doivent estimer qu'il vaut mieux finir à bloc
au risque de se crasher...chacun sa tactique.
Enfin, la délivrance, la fin du chemin, la route, le panneau Saint-Denis, plus que 500m, on
passe sous un pont. On prend le temps de se tomber dans les bras: « on l'a fait ! » On
trottine maintenant jusqu'à l'arrivée, je sors l'apn pour filmer notre arrivée. L'entrée dans
le stade...le moment tant attendu: on l'a fait !
La foule en délire nous acclame (si si, au moins 10 personnes...) Les filles sont là, on pose
pour la photo. Gino aussi est là. Ils ont l'air aussi heureux que nous. Ça fait chaud au
coeur.
Saint-Denis, Stade de La Redoute (km 148, D+ 9184m). Médaille, T
shirt. On a survécu. On se tape encore dans la main : On l'a fait.
Place aux photos, comme si on avait gagné. Nous posons avec nos 2 compagnons de galère. La
famille (nombreuse ?) de Freddy mitraille. Je suis heureux. Christian est heureux. Les filles
sont heureuses. Gino est euphorique.
La famille a dû nous voir
arriver grâce à la superbe initiative de rfo qui avait disposé une caméra fixe sur la ligne
d'arrivée et qui diffusait via son site web.
On se pose au milieu du stade pour enlever les chaussures. Une petite douche glacée dans un
vestiaire dégueulasse. Une dodo (lé la) en consultant tous les
textos qui tombent (merci à tous). Un dernier carry poulet à la cantine des survivants, qui
est trop en retrait à mon goût de l'ambiance de l'arrivée. Endroit peu festif surtout à cette
heure-ci (1h du mat). Le stade s'est bien vidé depuis notre arrivée et nous voilà en route
vers le QG. Personnellement, sitôt assis dans le scénic sitôt endormi. La descente de voiture
sera difficile, un playmobil somnambule, je m'en fous, on l'a fait ! Il est 2h30 du mat, fin
de l'aventure....On l'a fait ! Merci Christian, merci Mesdames.
Il n'est que 9h30 quand je me lève. Christian est déjà debout et est même allé chercher
les croissants.
C'est fou comme le réveil n'est pas le même quand on a atteint son objectif. Quel contraste
avec 2006. C'est reparti pour une tape dans la main « on l'a fait ». Les T shirts et les
médailles sont là pour nous le rappeler.
Petite séance photo. On se sent
« maigres ». Clair qu'il y a longtemps que j'ai pas dû être aussi « léger ».
Maintenant place à la détente, direction la plage, un petit snack pour refaire les niveaux.
Un petite baignade dans l'eau à 26°c, puis retour au stade afin de récupérer le dernier sac
d'assistance, de faire un dernier coucou à Gino, et surtout signer le trombinoscope des fous.
C'est évidemment revêtus de notre T-shirt jaune « survivant » que nous nous pointons au
stade. On se dirige direct vers le mur de dédicaces, le trombinoscope des fous signé par les
survivants. Trop frustrant d'avoir assisté à ce spectacle auquel nous n'étions pas conviés en
2006. On savoure, on prend des photos. Récup du diplôme. Une dodo. Une petite visite sur le stand de Gino et de ses élèves du projet «
Grand Raid Millimétré ». Présentation de ses copains de club : untel 9e du grand raid, untel
17e, untel 30e...On a pas l'air cons, tiens... c'est le moment que choisit Christian pour
commencer à faire le malin.
Ça y est monsieur est finisher, il ne supporte pas les frites du midi alors il peut se
permettre de vomir...Je plaisante, mais il a pas l'air bien... Une clameur monte, les
derniers arrivent...Bravo, belle preuve de courage après 64h. Nous ne restons pas pour la
remise des prix. En repartant du stade, nous croisons beaucoup de gens qui nous félicitent
(le T-shirt jaune...), des voitures ralentissent pour dire « bravo les gars ».
Le Grand Raider inspire le respect, déjà avant le départ, mais alors avec le t-shirt....je
lirais dans un journal : « Ici à la Réunion, il est important d'avoir quelqu'un dans la
famille qui a fait le Grand Raid ». Ça veut tout dire.
Une question : quelques frites peuvent-elles venir à bout d'un survivant au Grand Raid ? La
réponse tombe au retour après la sieste. Clairement oui ! Malgré la sieste d'une heure en
rentrant, c'est pire...Dommage, ce soir, c'est rougail-saucisse chez Benoit et Cécile. Moi la
sieste (un comas plus que profond) m'a plutôt réussi. Elle m'a ouvert l'appétit même si je
sens que mes frites aussi ne demandent qu'à reprendre leur liberté....On laisse Christian
avec une bassine pour compagnie. Faut pas compter sur Sabine pour l'assister, elle préfère
aller manger :-).
Super accueil, super repas avec vue splendide sur St Louis, St Pierre, Etang Salé illuminés.
Que des spécialités de la Réunion avec en prime du fromage local. Par contre, j'y pense
maintenant, on a oublié de goûter le vin de Cilaos.... Mais surtout qu'apprend-on ? que ces
dames n'étaient pas très optimistes, n'y croyaient pas vraiment, pensaient que peut-être on
pourrait renoncer....Un peu déçus, là, sur le coup...
Notre dernière journée sur l'île. Christian va mieux, un peu de plage le matin. Tourisme
l'aprem à St Denis, dégustation de fruits au petit marché avec découverte d'une musique un
peu particulière avant de reprendre le vol du soir. Beaucoup de raiders rentrent au bercail,
félicitations de l'équipage et caillage toute la nuit.
Pour info, le débardeur de course aux couleurs des sponsors avec un blouson en cuir, ça le
fait pas...Ami raider, si tu me lis, elle marchera pas ta mode. Sans rancune....
Je me régale à revivre la course grâce à ce récit. Les images sont encore fraîches. C'est
d'autant plus agréable que notre périple a été une réussite (à notre niveau). Je lis ici ou
là d'autres CR de participants à la fête. Des retours mitigés. En effet, il semble que la
course ne soit pas la même pour tout le monde. Au niveau assistance, on avait déjà remarqué
en 2006. Pour le haut du tableau, ça doit avoir son importance, à notre niveau, ben, on s'en
fout. On a fait notre course. L'organisation ne s'est pas toujours montrée à la hauteur. J'ai
pu lire que les arrivants de semi-raid n'avaient pas droit à une bouteille d'eau à l'arrivée
et que énormément ont été mis hors course.
Les participants ont en général été disciplinés, surtout par rapport à la propreté des
chemins, encore quelques emballages ici ou là mais par rapport au nombre de personnes ça
reste acceptable (même si c'est toujours trop).
Ce qui m'a un peu gonflé, c'est de voir des mecs avec des bâtons télescopiques pourtant
interdits...
Maintenant, l'aventure va laisser un grand vide, des images et des souvenirs plein la tête.
J'attends le DVD avec impatience.
Toutes ces heures à s'entrainer, ces « petites » blessures qui font (beaucoup) douter, les
jours en montagne où on prend peu de plaisir, la famille qu'on abandonne, les choses à faire
qu'on reporte, les fêtes qu'on fait le frein à main serré: tout ce qu'on a fait cette année
avait cette diagonale pour seul et unique objectif, le but ultime.
Avec le recul, l'entraînement a été bon, puisqu'on finit bien malgré quelques baisses de
forme (pour moi, inévitables ?), faudrait maintenant essayer d'aller un chouilla plus vite.
Nos week-end chocs ont été bénéfiques mais se sont avérés très usants.
Notre forfait au 75 kms du GRP de fin août, a peut-être été salutaire....on ne saura jamais,
mais quand je vois certains enchaîner les ultras, je me dis qu'on est pas tous égaux devant
la récup....
Quelques chiffres : 47500m de D+ cette année (hors séjour Réunion) dont 30000 cet été soit
9000 de plus qu'en 2006 pour 200 kms de plus en montagne (ou trail).
Un mois d'octobre très allégé et sans D+ m'a permis d'arriver frais au départ.
Déjà envie de m'y remettre....mais une bronchite carabinée et une météo capricieuse m'aident
à rester raisonnable.
La gestion de course n'a pas été parfaite, notamment le sommeil mais on ne décide pas de
quand on a sommeil. Personnellement, la tension nerveuse et l'excitation m'empêchent de
trouver facilement le sommeil. Seule la grosse fatigue a eu raison de mes yeux. Certains
arrêts auraient pu être plus courts. J'ai encore passé trop de temps à soigner mes (doigts
de) pieds peut-être aurais-je pu (dû) strapper davantage dès le début.
si ça peut servir à quelqu'un... :
En tout cas, une chose est sûre, l'expérience malheureuse de 2006 a été vraiment mise à
profit. C'est un sacré avantage de savoir ce qui nous attend. D'ailleurs ça a été un des
principaux sujets de conversation depuis 2 ans. Avec le recul, on n'a jamais douté. Il a
toujours été évident qu'on irait au bout. La tête a été en parfait accord avec les
jambes.
L'objectif est atteint: on a terminé cette course mythique, très très dure qui oblige à tout
donner, à se dépouiller, à s'entrainer longtemps à l'avance.
Va-t-on en causer autant qu'après 2006 ? Christian et moi avons bouclé cet objectif commun:
on avait prévu de le faire ensemble, pari gagné. C'est fabuleux de partager cette joie.
Bien-sûr elle a été partagée avec d'autres mais de « l'extérieur », ce n'est pas tout à fait
pareil.
Nous n'avons pas eu à gérer l'abandon de l'autre. Ca ne s'est pas produit, tant mieux, ça
aurait été vraiment un coup dur ! Mais s'il avait fallu, on l'aurait fait.
Est ce que je reviendrais ? Durant la course, j'ai répondu à la question : non, plus jamais
ça ! Quand on voit les souvenirs qu'on en garde, comment cette course marque les gens qui
l'ont faite, il est clair qu'on ne peut pas dire « plus jamais ça ». Mais si je reviens, ce
n'est pas avant quelques années en tout cas.
D'après le barème utmb (Ultra Trail du Mont Blanc), terminer à la Réunion, nous donne les
points nécessaires à l'inscription pour 2 ans. Personnellement je ne le sens pas pour 2009
mais en 2010 pourquoi pas ? Notre prochain objectif, notre prochain défi ?